Gérer une « méga » colonie de coupeuses de feuilles

méga colonie de coupeuses de feuilles

 

Posséder à domicile une énorme colonie de coupeuses de feuilles ou toute autre espèce de fourmis est à la fois le fantasme ultime et le cauchemar de la plupart des myrmécologues amateurs ! Pour beaucoup la taille potentielle que peut atteindre la colonie est un frein autant qu’un rêve…
Ai-je suffisamment de place ? De temps ? De végétaux disponibles ? Suis-je assez bon bricoleur pour les loger décemment ou ai-je le budget pour acheter le matériel nécessaire ?

Dans tous les cas, je pense que le maintien d’une colonie de fourmis en captivité est par définition un projet qui s’inscrira dans le temps dans le sens ou une colonie vit tant que sa reine pond et produit des ouvrières et certaines reines en captivité ont vécu plus de vingt ans !

(Il me semble que le record est détenu par une Lasius Niger de 23 ans dans un laboratoire suisse) .

Une fois la phase critique de la première année derrière vous, votre colonie a maintenant atteint une belle vitesse de croisière et va se développer rapidement  (parfois +1 module/ mois pour des Atta)
le nombre d’ouvrières va grandir en conséquence et très vite vos tubes de 32 mm vont ressembler au périphérique de la capitale à 17h…  il conviendra alors soit de passer à un diamètre supérieur ( ce qui s’avère vite très coûteux vu le prix des tubes acryliques) soit de multiplier les tubes de 32mm quitte à en monter plusieurs en parallèle !

Si vous ne le faites pas, la circulation va complètement saturer, le champignon ne sera plus correctement alimenté, les déchets ne seront plus correctement évacués, et la survie de votre colonie sera menacée à court ou moyen terme ! Donc si vous constatez que des grappes d’ouvrières commencent à se former aux entrées et sorties des tubes , il est temps de multiplier ceux-ci pour augmenter le débit…

À ce stade, tout l’espace disponible sera intégralement occupé par des centaines d’ouvrières compliquant fortement le nettoyage….
Pour garder une fourmilière saine et gérable, multipliez les aires de  récoltes proportionnellement au développement de la colonie, comme expliqué précédemment, cela vous permettra de déplacer l’activité et de nettoyer plus facilement !
Quand vous possédez une colonie de cette ampleur, il ne faut pas avoir trop de scrupules à sacrifier quelques ouvrières lors d’un bon nettoyage des ADR la perte sera infime pour votre colonie et il est souvent impossible de nettoyer sans atteindre les ouvrières… En effet, dans leur milieu naturel, toutes les fourmis du monde sont, somme toute, de la chair à canon , prédatées par une quantité invraisemblable d’animaux, oiseaux, lézards, batraciens, autres fourmis, il vous suffit de faire le tour de votre jardin pour écraser de votre colossal 43 et sans même le savoir, des dizaines de fourrageuses qui vaquent à leur occupations… Pour simplifier quand 100 ouvrières quittent leur nid le matin dans la forêt amazonienne pour aller récolter des végétaux, c’est peut être seulement 60 ou 70 ouvrières qui auront la chance de retrouver le chemin du nid à la fin de leur périple ! Mais cela n’affecte pas le développement de la colonie car la reine est capable de produire des millions d’ouvrières !

On pourrait ajouter que sur les 60-70 ouvrières qui ont trouvé le chemin du retour toutes n’ont pas forcément trouvé un fragment de feuilles à ramener au nid ! A contrario, en captivité quand 100 ouvrières quittent le nid, il y en a 100 qui reviennent mais en plus elles ont toutes trouvé facilement des végétaux pour alimenter le champignon, et la proximité  fait qu’elles ont pu multiplier les allers- retours sur le même laps de temps….. À ce stade, on comprend très vite la notion de développement exponentiel….

Si toutefois votre colonie devient trop compliquée à gérer , n’hésitez pas à me contacter : je tâcherai de lui trouver une place dans un zoo, un musée ou chez un myrmécologue fanatique qui pourra s’en occuper correctement et si la colonie et le matériel viennent de chez moi je vous fournis une jeune colonie et le même matériel neuf en échange (plus bonus selon stade de développement).

 

La respiration du super-organisme

feuilles coupées forment planète et C02

 

Comme vous le savez sans doute, en myrmécologie, on accorde souvent beaucoup plus d’importance à la colonie qu’à l’individu, à un point tel que la plupart des spécialistes contemporains s’accordent pour considérer la colonie comme un « super-organisme » dont la reine serait l’organe reproducteur, les ouvrières les différentes cellules constituant l’organisme avec des fonctions et adaptations variées !

Très rapidement, vos différents modules vont se remplir d’une multitude d’ouvrières, de larves, d’œufs et bien sûr de champignon qui formera la structure du nid !

Tout ce petit monde respire, rejette du CO2, du CO ; si on ajoute à cela les déchets en décomposition, la dégradation par le champignon des fragments végétaux, on se retrouve vite avec une mini usine à gaz toxiques ! Il est donc primordial d’avoir des aérations à différents endroits et surtout différentes hauteur dans votre fourmilière, et ce afin de générer un flux d’air naturel et d’éviter la stagnation d’une poche de CO dans une partie basse de la fourmilière par exemple (le CO ou monoxyde de carbone étant plus lourd que l’air) .
Le grand défi sera , vous l’aurez compris, de maintenir une ventilation suffisante sans faire baisser l’hygrométrie !

Certaines missions scientifiques ont réalisé des moulages de nids de Atta  (visibles sur YouTube) outre le gigantisme de ces nids ( 18m de diamètre 5m de profondeur…) ce qui frappe c est l’architecture, des dizaines de chambres de la taille d’un gros ballon de foot sont disposées en alternance le long de tunnels d’une dizaine de cm de diamètre, beaucoup de ces tunnels se terminent en surface par des « cheminées » de différentes hauteurs, si le but premier de l’existence de ces tunnels semble évident, la circulation d’une chambre à l’autre, le second rôle découvert plus récemment n’en est pas moins important !

Longtemps les scientifiques se sont posé des questions sur le rôle de ces nombreuses cheminées sur les nids de coupeuses de feuilles, supposant à tour de rôle que c’était pour éviter les inondations, un système de défense face aux autres fourmis et termites, une simple accumulation anarchique de déblais… La vérité est encore plus fascinante : en effet, en construisant des cheminées de différentes hauteurs  alors que d’autres tunnels aboutissent juste à ras du sol, les coupeuses font artificiellement créer un flux d’air dans la colonie faisant entrer l’air sain en repoussant l’air vicié vers l’extérieur !
C’est un point à ne pas oublier si on maintient une grosse colonie en captivité !

Maintenance des colonies et de leur environnement

dessin humoristique fourmis nettoyeuses

Les fourmis coupeuses de feuilles et leur champignon symbiotique sont des organismes tropicaux : dans l’idéal , l’aire de récolte sera maintenue entre 25 et30 °, l’hygrométrie dans l’aire de récolte n’a que peu d’importance ! En revanche, dans les chambres de culture il est impératif de maintenir une hygrométrie particulièrement élevée (85-90%) et une température de 23-27° pour les Acromyrmex octospinosus et de 25-27° pour les Atta cephalotes.
La partie comprenant les chambres de culture sera installée dans un endroit calme de préférence sombre, impérativement a l’abri des rayons du soleil !
N’oubliez jamais que le champignon est normalement sous terre ! Ce qui implique une grande régularité des conditions de maintien !
L’idéal pour maintenir les coupeuses de feuilles est de chauffer votre installation par l’eau, nous y reviendrons plus tard .

Lors du démarrage de la colonie il est très important de surveiller la stabilité de l’hygrométrie dans la chambre du fungus. Gardez à l’esprit que nous sommes normalement sous terre et que les fourmis creusent la chambre au fur et à mesure de la croissance du champignon …

Il existe plusieurs techniques : la première sera d’utiliser un système de cloche adaptée à la taille de la meule (gobelet en plastique, pot de yaourt…) la seconde est de leur offrir un substrat humide qu’elles pourront utiliser pour construire une chambre autour du champignon ! (Ce substrat peut être de la perlite, de l’argile…)

Cette méthode présente l’avantage d’être la plus proche de la méthode naturelle mais la visibilité sera aléatoire les fourmis ayant toujours tendance à obscurcir les chambres avec les matériaux disponibles !

Si on met du substrat à leur disposition, il faudra toujours veiller à ce qu’elles n’utilisent pas ce substrat pour construire un monticule plus haut que les barrières anti-évasions dans l’aire de récolte ce qui peut donner lieu à une monumentale escapade, je réserve donc l’utilisation de substrat aux toutes jeunes colonies, celui-ci sera progressivement évacué lors de la croissance du fungus !

La gestion des déchets est aussi un point très important à contrôler pour garder une colonie saine !
Les fourmis ont l’avantage d’être naturellement ultra-structurées et vont vous mâcher le travail en rassemblant tous leurs déchets à un endroit précis ! (restes du champignon, déchets végétaux, cadavres…)
Cependant cet endroit est rarement celui qui convient le mieux à l’éleveur ! Le bon réflexe sera alors de ramasser les déchets et au lieu de les éliminer, placez-les dans un volume que vous aurez dédié à la fonction de dépotoir (un volume facilement accessible, facile à vider…) il vous faudra peut-être répéter cette opération plusieurs fois, mais à force les ouvrières finiront par assimiler l’endroit que vous avez désigné comme étant le dépotoir et tous les déchets de la colonies seront systématiquement abandonnés à cet endroit, notez que le dépotoir est un indicateur précieux sur la santé de votre colonie : tout apport anormal sera signe d’un déséquilibre quelque part !  Avec un peu de patience, vous pouvez habituer vos fourmis à balancer leurs déchets dans le vide juste au-dessus d’une corbeille à déchets par exemple en utilisant la même méthode que citée précédemment ! Gardez toujours à l’esprit que le monde de nos protégées est principalement un monde d’odeurs… cela dirige tous leurs agissements !

Comme souvent en myrmécologie , l’éleveur se devra d’être patient et attentif au développement de sa colonie, il faudra au fur et à mesure que celle-ci grandit ajouter progressivement modules à champignon, aires de récolte…

Même si il n’est pas fondamental au début de disposer de plusieurs aires de récoltes, je conseille toujours à mes clients d’en installer un minimum de deux ou trois pour une colonie mature !
L’intérêt de disposer de plusieurs aires de récolte est de faciliter le nettoyage de celles-ci !

En effet si l’aire de récolte A est trop sale , on pourra arrêter de mettre des végétaux dans  l ADR A (aire de récolte) et alimenter uniquement B et C par exemple ! Très vite, l’activité va se déplacer vers les lieux approvisionnés et votre ADR A sera quasiment déserte et donc plus facilement nettoyable ! Le fait de disposer de plusieurs ADR vous permettra aussi de réaliser quantités de tests et expériences ; vous pouvez par exemple tester leurs préférence en mettant une essence végétale dans chaque ADR, ou mettre le même végétal dans les différentes ADR  mais en modifiant la distance depuis le nid, travaillent-elles de la même façon si la source d’approvisionnement est proche ou lointaine… Toutes ces petites modifications faciles à mettre en place grâce au matériel disponible sur www.origin-ants.world.

Alimentation des fourmis

dessin humoristique fourmis et nourriture

Liste des aliments acceptés par la colonie de fourmis coupeuses de feuilles (Acromyrmex octospinosus) :

Ligustrum, chêne, ronces, rosiers, framboisier, hortensias, rhododendrons, vigne, flocons d’avoine, chicons, choux,  roquette, pissenlit, érable, fusain, châtaigner, châtaignes crues coupées en deux, pommier, poirier, eau + miel, eau + sucre, agrumes, pommes, poires, compote, pâtes (sèches ou humides selon les besoins, les pâtes alphabets sont très ludiques…)

Les feuilles, fleurs et fruits peuvent être consommés !

Si elles refusent un type d’aliment, ce n’est pas forcément définitif : elles choisissent les aliments en fonction des besoins du fungus (champignon symbiotique) : s’il est sec, elles donneront la priorité aux fleurs et fruits contenants plus d’eau, si au contraire le champignon est trop humide, elles récolteront des flocons d’avoine, feuilles, pâtes…. Essayez, si la saison le permet, de toujours leur proposer un bouquet de végétations variées comprenant des feuilles, des jeunes pousses, des fleurs, des fruits, des parties plus sèches (feuilles plus anciennes). Les récolteuses pourront alors choisir ce qui correspond le plus aux besoins du fungus  à l’instant T !

Il est primordial de s’assurer que tous les intrants soient totalement exempts de produits phytosanitaires et conservateurs !
Ne pas donner de gelées sucrées du commerces qui contiennent en général des antifongiques et de la protéine animale, les deux sont néfastes pour la colonie !

 

Placer vos colonies

fourmi nomade

Votre colonie est devenu trop grande ou vous arrêtez l'élevage ?

Surtout ne relâchez jamais une colonie exotique dans la nature ! Beaucoup d’espèces représentent un grand risque pour l’environnement.

Nous nous chargerons de trouver un nouvel acquéreur qui saura prendre soin de votre colonie. 

Tous les renseignements en cliquant sur ce cadre.